Pourquoi Thales dit "niet" à un rapprochement avec Airbus dans le domaine spatial

Rédigé le 27/02/2020


En déclin de plus de 10%, les activités spatiales font tache dans les résultats 2019 en forte croissance de Thales. Hors de question pourtant d’envisager leur rapprochement avec un concurrent. Au contraire, Thales tient à tout prix à conserver cette activité. A juste titre. 

Un rapprochement des activités spatiales de Thales et du groupe Airbus… Si certains voudraient les marier les deux concurrents pour faire face à la contraction du marché des satellites et mettre fin à une lutte fratricide, cela ne risque pas d’arriver de sitôt! Pourquoi ? Patrice Caine, PDG de Thales a clairement fermé la porte à un tel scénario.

"Certains pensent souvent que la solution simple quand un marché est en contraction, c’est de fusionner les acteurs. (…)  Ce n’est pas forcément la bonne solution. Thales a sa stratégie, continue d’investir et de se développer. On a tout pour avoir une activité en croissance et profitable. Je ne ressens pas le besoin de grand mouvement stratégique sur nos activités spatiales", a justifié le PDG à l’occasion de la présentation des résultats annuels de son groupe le 26 février 2020.

Ces résultats sont marqués par une forte hausse des prises de commandes (+19%) et du chiffre d’affaires (+16%) à 18,4 milliards d’euros par rapport à l’exercice précédent ainsi qu’une solide profitabilité avec une marge d’EBIT à 10,9%. Dans cette performance globale, les activités spatiales font pourtant clairement tache.

Une fin d'année en boulet de Canon pour les contrats de satellites

Les activités liées aux satellites ont enregistré un recul de 14% en prises de commandes et de 13% en chiffre d’affaires. Comme ses concurrents, le groupe a subi de plein fouet la baisse du marché des satellites de télécommunications. En 2019, les grands clients n’ont commandé que 13 satellites, à comparer à une vingtaine par an durant la période entre 2011 et 2016.

Mais Thales a bon espoir de redresser la situation.Tout d’abord, car il a réalisé dans ce secteur une fin d’année en boulet de canon. "Nous avons remporté trois contrats sur les quatre appels d’offres en fin d’année (…) Cela montre que nous sommes au meilleur niveau des technologies et de compétitivité pour arriver à gagner ces compétitions", s’est félicité Patrice Caine. Thales Alenia Space, la société commune entre Thales et l’italien Leonardo dans le secteur spatial, a séduit l’opérateur européen Eutelsat, l’opérateur égyptien NileSat et le client espagnol Hispasat. Selon lui, ce finish exceptionnel permet même à Thales Alenia Space de revendiquer près de 40% du marché mondial en valeur des satellites de télécommunication.

450 personnes repositionnées dans d'autres activités

Le groupe estime surtout avoir déjà réalisé les efforts de restructuration nécessaires pour retrouver de la compétitivité. "On a lancé l’an dernier un plan d’ajustement avec de la gestion active de l’emploi. La base de coût a dû diminuer de 11% en un an", détaille le dirigeant. Environ 450 personnes de la division espace ont été ainsi repositionnées dans les autres activités du groupe.

Le groupe estime aussi avoir toutes les cartes en main technologiques pour profiter des nouvelles opportunités. En septembre dernier, Thales Alenia Space a lancé son concept de satellite totalement reconfigurable en orbite. "C’est une révolution dans le domaine du spatial. Ces satellites de nouvelle génération seront totalement flexibles et reconfigurables depuis le sol alors même qu’ils sont en orbite. Le logiciel qui pilote l’électronique à bord est tel qu’il permet de reconfigurer les faisceaux et donc la mission d’un satellite", explique Patrice Caine.

Dans le domaine des constellations, il réfute tout retard alors qu’il n’est embarqué dans aucun des grands projets en cours de constitution comme OneWeb qui a choisi les mini satellites d’Airbus Defense and Space, ou Starlink d’Elon Musk qui développe directement les siens. Thales Alenia Space revendique toutefois une expertise dans les échanges de données entre satellites et la fourniture de technologies critiques pour les constellations comme Iridium Next, O3B, Globalstar…et également Kinéis, la constellation française pionnière qui veut s’imposer dans l’Internet des objets.

Un rebond prévu en 2021

Qui plus est, un rapprochement des activités spatiales de Thales avec celles d’Airbus, susceptible de créer un acteur en position de monopole en Europe, n’a rien d’évident. Les Etats concernés - l’Italie, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne - pourraient s’y opposer en fonction de leur intérêt national. Sur le plan réglementaire, les autorités de la concurrence européennes mais également américaines pourraient mettre leur veto.

Thales table sur un rebond de ses activités spatiales dès 2021. "Nous sommes confiants dans la reprise dans la marche en avant du spatial à partir de 2021. On va capitaliser sur un nombre d’opportunités importantes dans ce marché" pronostique Patrice Caine. Le dirigeant s’est notamment réjoui de la croissance significative du budget de l’agence spatiale européenne. Plus que jamais, Thales estime avoir les moyens de tracer sa route seul.

 

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